Judith Partouche-Sebban, Sylvie Tine-Brissaud, Helene Reinhardt, Saeedeh Rezaee Vessal, Nathaniel Scher, Emilie Butaye, Isabelle Carlier, Clément Draghi, Alain Toledano
Catégorie : Recherche
Objectifs : preuves d’efficacité
Article publié le 31 janvier 2022
cancer,
tristesse mensonge,
émotion
INTRODUCTION
Partager ou pas le fait d’avoir un cancer dépend de plusieurs facteurs, et génère des conséquences à étudier chez les patients. Bien comprendre les déterminants de cet aveu permettrait d’adapter nos comportements de soignants autant que nos soins envers les patients atteints de cancer. Nous avons étudié les raisons pour lesquelles les patients partageaient ou pas leur maladie avec leur entourage et les implications induites.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Nous avons réalisé une étude qualitative, en menant 25 entretiens individuels structurés de patients de l’Institut Rafael (IR) atteints de cancer, dont 24 femmes et 1 homme. Le temps moyen de l’entretien était de 34 minutes. Les informations concernant le patient, son entourage, et les traitements reçus, étaient enregistrées. L’expérience du cancer et ses conséquences, la divulgation ou pas de son cancer et ses raisons, ainsi que les conséquences de cet aveu ou pas, ont été étudiées.
RÉSULTATS
La divulgation de son cancer dépendait de déterminants internes ou extérieurs. L’image de son cancer perçue par chacun et le défi à relever induit, la perception de la sévérité de son cancer, ainsi que la personnalité de chacun, correspondaient aux déterminants internes. Une précédente expérience similaire de cancer, chez ses proches amis ou sa famille, ainsi que le profil des relations entretenues avec les autres, représentaient les déterminants extérieurs influant la divulgation. La motivation pour l’avouer était essentiellement rationnelle, tandis que celle pour le cacher était surtout émotionnelle. Le partage de son cancer était motivé par une logique naturelle, pour mieux manager les changements radicaux visibles et aider à les supporter ; mieux accepter la réalité du cancer ; et prendre conscience de l’importance du partage de chaque instant avec chacun. Les freins conduisant à le cacher signifiaient la volonté de ne pas partager d’émotions négatives (tristesse, inquiétude), et éviter les perceptions négatives souvent incomprises par les autres, pouvant induire la pitié, ou bien focaliser l’attention des autres sur soi. La manière de divulguer son cancer dépendait de la sensibilité des autres et l’intimité que l’on partageait avec eux. Un partage graduel dépendant de la nature de ses relations (famille, amis, collègues), du besoin d’aide, ou de l’envie d’une communication positive, était préféré. Enfin, la divulgation de son cancer par certains pouvait : faire du bien, se sentir plus fort, plus capable de le surmonter, vivre le moment présent, renforcer ses relations aux autres, se projeter dans le futur, prendre du recul, et accepter sa vulnérabilité. Ne pas le divulguer pour d’autres entrainait de la distance relationnelle, et favorisait le mensonge et le sentiment d’isolement.
CONCLUSIONS
Divulguer ou pas son cancer détermine son bien être, la capacité à y faire face, ainsi que sa résilience. La motivation pour l’avouer est essentiellement rationnelle, tandis que celle pour le cacher est surtout émotionnelle. Notre accompagnement de soignants influe sur la capacité des patients à l’accepter et l’avouer, et le faire accepter à leur entourage plus ou moins proche.