L’engagement médical et humaniste, un devoir philosophique. Qu’en dirait Levinas ?

Institut Rafaël
Médecine éthique
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Article rédigé par le Docteur Alain Toledano

La pratique médicale nécessite un engagement fort et l’adhésion à un système de valeurs. Nos valeurs sont des motivations subjectives, elles définissent pour nous le domaine de la morale et conditionnent nos actions.

La beauté du raisonnement logique et de la science appliquée crée un certain engouement chez nombre de médecins et autres soignants. Heureusement, la science et l’expérience ont pu investir les raisonnements médicaux, ce qui implique une part importante de la crédibilité et la confiance accordées à la médecine et aux médecins. Si la médecine ancienne revêtait un caractère astral ou spirituel, les résultats de ses traitements culturels dépendaient plus du hasard que du bénéfice statistique, ce qui desservait notre profession.

Lorsque Kant professait que « la médecine est un art et non une science exacte et rationnelle », il faut encore en retenir la part relationnelle et « magique » de la relation humaine dans l’exercice de la médecine, quand bien même s’est-elle affermie scientifiquement avec le temps.

Le courant anglo-saxon a vu émerger un encadrement juridique de la pratique médicale, la recherche de fautes et les procédures contentieuses ont conditionné le langage de nombreux médecins, pour qui la vérité scientifique est devenue la vérité médicale et la vérité médicale est devenue la vérité humaine. Ceci détermine la communication thérapeutique, des « vérités » sont assénées pour se décharger de ses responsabilités de soignants (qui sont censés protéger), au nom du devoir d’information absolue.

Cette transparence dans l’échange a du bon à certains égards, surtout lorsqu’elle est mise en balance avec l’opacité des échanges que la médecine latine et paternaliste promeuvent encore. La gestion autocratique de certains médecins vis-à-vis des décisions engageantes pour la vie de leurs patients, n’honore pas tout le temps l’engagement de service au malade qui régit l’action médicale. Quel est le juste milieu lorsqu’on sait d’un côté que la vérité du moment pourrait faire du mal au patient et que d’un autre côté une incertitude demeure ?

Il n’y a donc pas qu’une seule manière d’exercer la médecine, la science autant que la relation humaine ont leur importance, la posture anglo-saxonne tout comme l’attitude latine pseudo protectrice pouvant être utiles.

Sommes-nous, médecins, des serviteurs de la statistique ?

Il arrive fréquemment lors des moments de détresse des patients et de leur famille, que les médecins livrent des informations brutes et fatalistes, difficilement audibles et générant la souffrance de la perte de l’espoir.

Jean Cocteau disait « A l’impossible je suis tenu » ; il apparaît ainsi primordial pour chaque médecin, de faire son introspection philosophique et de reconnaître ses propres motivations quant à son identité de soignant.

Si « la valeur d’un Homme dépend de la noblesse de ses aspirations » (Hazrat Ali), notre manière de construire nos relations avec les patients dont nous avons la charge, nous définit autant qu’elle nous caractérise.

Il est aujourd’hui possible de pratiquer une médecine de prescription, conforme aux référentiels et sans grande empathie. D’ailleurs, il est également possible dans notre société de ne vivre que pour soi : jouissance, reconnaissance, travail, argent permettent à beaucoup de personnes de tourner en boucle autour d’eux-mêmes.

La régulation humaniste, et d’autres propositions philosophiques sont possibles en plus d’être attendues.

Le devoir vis-à-vis de l’Autre : doctrine de Lévinas

« Le moi devant autrui est infiniment responsable » disait Emmanuel Levinas. Nous devons tout à l’autre, l’éthique chez Levinas est une obligation dans la mesure où elle est une convocation.

« Être humain signifie : vivre comme si l’on n’était pas un être parmi les êtres », nous sommes tenus d’être dignes de notre humanité par notre humanisme.

En tant que soignant, j’ai des devoirs vis-à-vis de « l’autre fragile », quel qu’il soit et quelque soit son comportement ou son attitude à mon égard.

Souvent perçu comme difficile à tenir, ce cap vertueux semble être une des clés de la transformation humaniste de notre action médicale, pour passer d’une médecine prescriptive à une médecine intégrative, qui intègre l’autre dans sa différence et pour ce qu’il représente.

La relation à autrui est alors asymétrique : la réciprocité des actions ne peut pas être attendue par le médecin, il doit agir sans savoir ce qu’autrui (le patient) fera, même si le médecin doit y laisser sa vie. Ainsi, Lévinas renverse la morale de l’autonomie développée par d’autres comme Kant (dont l’autonomie était le point névralgique) : c’est l’hétéronomie du médecin qui rend la morale impérieuse.

L’expérience d’autrui prend la forme métaphorique du visage, qui chez Lévinas ne doit pas être compris de façon restrictive comme la face (couleur des yeux, forme du nez…).

Le médecin a donc un devoir moral vis-à-vis du patient, c’est probablement l’une des clés de son épanouissement que de l’assumer. Visage et discours médical sont liés.

Le travail humaniste de chaque médecin commence sur soi-même ;

« Celui-là seul peut reconnaître le visage d’autrui qui a su imposer une règle sévère à sa propre nature » (Levinas).

Puisse la beauté de la science combler l’imperfection de l’homme, dont la préoccupation doit rester néanmoins le point d’orgue de notre engagement médical.

Docteur Alain Toledano

Cancérologue Radiothérapeute
Centre de Cancérologie Hartmann, Président de l’Institut Rafaël

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