Ecrit par Ayala Elharrar (Art-thérapeute) et Delphine Lichte-Choukroun (Nutritionniste)
Les couleurs sont omniprésentes autour de nous (nourriture, vêtements, nature, nos maisons…), elles nous insufflent des états d’esprits, des sentiments, suivant que notre environnement est gai ou triste (et les couleurs y participent), notre humeur se modifie, en miroir. L’Automne avec ses tons de gris renforce l’impression de visages fermés rencontrés dans la ville.
La plupart des chercheurs en science de la couleur s’accordent à dire que notre perception des couleurs se situe dans le système limbique, c’est-à-dire la partie la plus primitive de notre cerveau. Notre perception serait donc étroitement liée à nos sentiments et à notre subconscient. Cet aspect nous touche dans notre quotidien et peut déterminer la manière dont nous nous sentons.
« Le sanglot long des violons de l’automne, berce mon cœur d’une langueur monotone… ». Paul Verlaine.
L’Art thérapie de manière évidente utilise les couleurs pour guider le patient tout au long de son processus créatif.
La Nutrition utilise les couleurs pour guider le patient dans l’élaboration de son alimentation Santé.
LA COULEUR DANS L’ART THERAPIE
La couleur a une discipline thérapeutique qui lui est propre, « la chromothérapie ». Cette discipline est importante au sein de l’Art-thérapie du fait des liens qu’elle entretient avec notre cerveau, notre mémoire et nos souvenirs.
En Art-thérapie comme en Nutrition, ce n’est pas la couleur elle-même qui nous intéresse. En Art-thérapie, c’est plutôt la façon dont les couleurs vont être choisies, appliquées et ressenties. En optant pour une teinte plus sombre ou plus claire, la personne ou l’artiste modifie le message qu’il transmet. En séance, l’Art-thérapeute essaie de comprendre et analyser les messages exprimés par l’inconscient de la personne par la symbolique mise en forme dans la production artistique, que ce soit du dessin, de la peinture, ou du collage ; en tentant de comprendre les enjeux cachés par les formes exprimées, les couleurs, choisies, leur densité, (peu visibles, très visibles). On peut saisir ainsi la nature des conflits exprimés, agir sur l’œuvre et d’une certaine manière agir sur soi, en allant pas à pas vers une évolution progressive de l’œuvre où l’Art-thérapeute accompagne la personne vers une transformation de sa création jusqu’à ce qu’elle envoie à la psyché un message régénérant et élévateur.
QUATRE COULEURS DE BASE NOUS SERVENT DE « BOUSSOLE EMOTIONNELLE »
L’une des premières explorations de la théorie des couleurs a plus de 200 ans. La science de l’influence est née quand l’auteur, poète, homme politique et naturaliste J.W von Goethe (1749-1832) a publié la théorie des couleurs. Ses théories les plus fascinantes explorent l’impact psychologique des différentes couleurs sur l’humeur et les émotions.
Comment réagit notre cerveau face à du vert, du bleu, du noir ou du rouge ?
Quelques expressions idiomatiques
- Être fleur bleue
- Se faire des cheveux blancs
- En faire voir de toutes les couleurs
- Rouge de colère
- Fil rouge
Quatre couleurs de bases nous influencent et nous servent de « boussole émotionnelle » : le vert, le jaune, le rouge et le bleu. On sait faire la différence entre les couleurs froides (violet, bleu et vert) et les couleurs chaudes (rouge, orange et jaune), elles évoquent pour chacun de nous un ressenti bien précis, comme dit Goethe « la couleur est en nous ».
LES ARTISTES PEINTRES ET LA NOURRITURE DANS L’ART
La nature morte est une forme artistique qui a jalonné l’histoire de l’art depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. De Léonard de Vinci avec la « cène » narrant le repas de Jésus et ses apôtres, à Le Bail, en passant Arcimboldo, Cézanne les peintres ont toujours cherché à donner une vie à la nature morte.
Arcimboldo (1527 -1593) et ses allégories culinaires, « les quatre saisons », » « l’hiver », « le cuisinier » et ses trognes, constitués d’imbroglios de fleurs, de fruits, de légumes ;
Le peintre Le Bail dira de Paul Cézanne (1839-1906) : « La serviette a été drapé à peine sur la table, avec un goût inné, puis Cézanne a placé les pêches, en opposant les tons les uns aux autres, faisant vibrer les complémentaires, les verts au rouges, les jaunes aux bleus, avec un très grand soin, on devinait que c’était pour lui un régal de l’œil ».
Dans la première moitié du XX° siècle, le thème de la nature morte et de la vanité ont perduré dans l’Art. La nourriture était souvent prise pour modèle. Magritte (1898-1967) « ceci est un morceau de fromage » huile sur toile. Du Dadaïsme et du surréalisme ( intégration de matière organique dans des sculptures liées au désir, au rêve, à l’humour et à l’insolite) la nourriture réelle a parfois elle-même été intégrée dans les œuvres d’Art. S. Dali ( 1904-1989) « taxi pluvieux » où l’on peut voir des mannequins, endives, laitues… .Les Pop Artistes américains dans le refus de l’expressionnisme abstrait, vont créer un art populaire reproduisant les éléments notables de la société et de la vie quotidienne, pour un art figuratif évoquant notamment la nourriture ( fast-food, boite de conserves, coca-cola, soupe etc…) avec des peintures, des sérigraphies, des collages. Pour ne citer qu’eux : Lichtenstein Roy (1923-1997), « Sandwich and Soda » sérigraphie sur papier.
NOTRE CERVEAU EST-IL EN COULEURS ?
C’est à partir des travaux du prix Nobel de Roger Sperry et de Paul D. Mc Lean que Ned Herrmann a modélisé avec brio le concept du cerveau droit et du cerveau gauche pour en faire un modèle d’analyse et d’évaluation des préférences cérébrales. Nous avons tous une prédilection pour l’un ou l’autre. À cette séparation gauche/droite se superpose la séparation cerveau inférieur (limbique)/cerveau supérieur (cortical), définissant ainsi le cerveau en 4 zones et 4 couleurs modélisé sur le schéma ci-dessous. Cette modélisation du cerveau permet de détacher les préférences cérébrales de chacun. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. Chaque personne a une influence intellectuelle vers une de ces quatre couleurs.
Ainsi, pour toucher quelqu’un de bleu, il suffit de lui parler de faits, pour persuader quelqu’un de rouge, il faut lui parler de la richesse émotionnelle ; un vert doit connaitre le planning avant de se lancer et un jaune ne pas l’enfermer !
Bien sûr c’est un schéma général, drôle et amusant pour connaitre la ou les couleurs de notre cerveau et permettre une meilleure communication.
UN DIALOGUE EST-IL POSSIBLE ENTRE LES COULEURS ET VOTRE ASSIETTE ?
Il est très important de noter que chaque couleur va évoquer des choses différentes pour chacun d’entre nous. Elles sont très parlantes sur un dessin. Chaque couleur à une signification, un dessin ou une production très colorée n’aura bien sûr pas la même signification qu’un dessin terne à dominante marron, gris ou noir. L’énergie qui s’en dégage est différente.
Le but de l’Art-thérapie évolutive est d’obtenir une production qui dénotera une joie, un apaisement retrouvé, voir même une vitalité.
Mais qu’en est-il de notre assiette ?
On peut s’interroger alors sur l’influence positive de la cuisine sur le bien-être en général et sur l’humeur.
Certains aliments (les aliments « doudous » gras et sucrés) favorisent la production de certaines substances, comme les endorphines et la sérotonine, permettant d’intensifier le bonheur.
Est-ce que notre état d’esprit, nos sens évoluent au fur et à mesure que nous cuisinons, notre habileté aussi, le plaisir ? Les Sens concernés sont : « visuel, olfactif, goût, toucher ».
Peut-on trouver un équilibre émotionnel en composant son assiette avec certaines couleurs et textures d’aliments ?
Ayons la main verte pour voir la vie en rose.
LA COULEUR DANS LA NUTRITION
ALIMENTATION ET EMOTIONS
Toute forme de vie, quelle qu’elle soit a l’obligation de se nourrir pour survivre.
Le temps et l’évolution ont permis à cette obligation de se transformer en plaisir.
Aujourd’hui pour, la quantité et la qualité de notre alimentation est accessible pour la plupart d’entre nous. Manger est au cœur de la vie sociale, amicale, professionnelle.
Se nourrir ne revêt plus uniquement un sens d’obligation physiologique mais également n’entendons-nous communément une nourriture Intellectuelle, Spirituelle ou Émotionnelle que l’on peut lire comme étant « Émotion-Alimentation » que « Alimentation-Émotion ».
Voilà un phénomène étrange qui s’opère : la faim qui est un besoin physiologique devrait être le seul déclencheur de notre envie de manger, pourtant il y a beaucoup d’autres stimuli (joie, passion, frustration, colère, peur …) qui nous poussent à manger. A manger parfois même sans appétit…
A contrario, ces mêmes stimuli psychologiques sont capables de nous couper toute envie de manger.
Ou même encore de nous pousser à la consommation (compulsion) d’aliments « doudous » gras-sucrés.
L’étude nutrinet santé (2009 et coordonnée par l’Unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle (UREN, U557 Inserm/Inra/Cnam/Université Paris 13) révèle ainsi que sous le coup de l’émotion, on se tourne plus facilement vers les biscuits, gâteaux et… le chocolat ! cette étude parle d’émotionnalité alimentaire.
En parallèle, manger nourrit nos émotions. Qui n’a pas ressentie une émotion, vécue un moment de nostalgie en humant un gâteau tiré du passé ; la fameuse madeleine de Proust.
« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (…) quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul (…), l’édifice immense du souvenir.
NOS CINQ SENS DANS L’ALIMENTATION
Au moment de manger, ces sens qui nous relient à la vie entrent en action. Les premiers sollicités sont la vue et l’odorat à l’origine de plaisir ou d’aversion donc d’émotion. Attardons-nous sur la vue (le principal sens) qui permet d’observer et de distinguer des détails, des formes, des couleurs.
Le plaisir ressenti va permettre la sécrétion d’hormone source de bien-être, de plaisir, de sérénité et d’émotions. Le dégoût va inhiber la sécrétion de ces mêmes hormones.
Ces couleurs ne sont-elles pas ce qui nous guide dans notre choix de repas ?
La forme d’un fruit, la couleur d’un légume, l’odeur d’une épice, ne sont-elles pas responsables de notre menu ?
C’est tout à fait probable. Si en plus nous rajoutons que chaque couleur dans la nature est source de vitamines indispensables et essentielles à notre bon fonctionnement.
LE CADEAU DE LA NATURE ET SES COULEURS DANS NOTRE ASSIETTE
L’intérêt santé nutritionnel de chaque couleur :
Rouge (betterave, cerise, chou rouge, fraise, oignon rouge, poivron rouge, radis rouge, tomate). Le rouge témoigne de la présence de lycopène ou d’anthocyanes. Puissant antioxydant, le premier agit contre les radicaux libres avec des effets anti-inflammatoires et une action protectrice contre la prolifération de certaines cellules cancéreuses.
Jaune orangé (Abricot, ananas, carottes, citron, mangue, orange, papaye, patate douce, pêche, poivron jaune, tomate jaune). Le nuancier affiche des tons pâles jusqu’à des tons très soutenus. Plus la teinte est prononcée plus la vitamine est présente. Attention, gare aux légumes farceurs qui contiennent ces vitamines comme le brocoli ou le cresson. Ces pigments, qui contribuent à neutraliser les radicaux libres, potentialisent les effets de la vitamine C. Cette teinte signe la présence de caroténoïdes, béta-carotènes, zéaxanthine et quercétine qui possèdent de nombreux effets protecteurs : sur la vision et plus particulièrement contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), l’immunité, la reproduction, la croissance des os.
Vert (Avocat, brocolis, épinards, haricots verts, kiwi, choux de Bruxelles, poire, poivron vert).Le vert indique la présence de chlorophylle qui a des vertus antioxydantes et régulatrices intestinales. Les aliments verts sont souvent source de Fer et de vitamine B9.
Indigo, bleu, violet (Aubergine, cassis, framboise, mûres, prune, pruneaux, raisin). Ces végétaux renferment des molécules (Acides phénoliques, flavonoïdes, resvératrol) qui ont des propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes et anti-radicaux libres.
Blanc (Ail, oignon blanc poireau). Blanc ne signifie pas absence. Au contraire les légumes blancs renferment les vitamines C et E, du Sélénium et des composés soufrés (auxquels on prête des vertus d’inhibition de la cancérogénèse).
PRENDRE SOIN DE NOS TRESORS
Ils sont fragiles et méritent quelques précautions culinaires pour les préserver au mieux. La moitié des vertus des végétaux se situe dans la peau des aliments, il est donc nécessaire d’éviter au maximum de les éplucher. Les vitamines contenues dans la peau et dans la chair des aliments sont différentes et complémentaires. Le mode de cuisson peut avoir un impact sur la conservation de ces antioxydants : la cuisson à l’eau n’est pas idéale excepté dans le cas de la soupe, il est préférable d’utiliser la vapeur pour les préserver voire d’en augmenter leur qualité nutritionnelle.
Peut-on les appeler des « super-aliments anti-cancers » ? Non car il n’existe pas d’aliments anti-cancer ; oui car les polyphénols ont la vertu d’en diminuer le risque s’ils sont consommés régulièrement, en quantité et en variété.
Mettre des couleurs dans son assiette associe plusieurs forces (vitamines, minéraux, antioxydants, anti-inflammatoires) qui ensemble nous permettent d’élaborer une assiette riche et équilibrée.
D’un point de vue émotionnel/nutritionnel, prendre en compte nos préférences cérébrales et la couleur dominante de notre cerveau afin de préparer nos repas en mélangeant les couleurs, leur intensité et ce qu’elles symbolisent permet l’alliance entre l’émotion et l’alimentation.
ART-CULINOTHERAPIE OU D’ART-NUTRITHERAPIE
Imaginons un rdv dans nos cuisines, cette cuisine qui nous rassemble qui porte en elle également une histoire, des histoires, des émotions, un sentiment de liberté qui permet l’expression de notre créativité. Une manière aussi de se recentrer sur ses cinq sens.
Il y aura peut-être des ratés, mais pourvu que l’on ait tiré du plaisir dans le processus culinaire. Un Art éphémère reproduisible à souhait dans votre cuisine. Sans méthode particulière nous pouvons apprendre à cuisiner et préserver les qualités nutritionnelles et gustatives tout en veillant à notre santé.
De la faim jaune (stimulus) au calme vert (nature, détente) jusqu’au rouge nous pousse à manger rapidement à la manière fast-food.
Nous aurons bien compris l’impact des tonalités de couleur et leur influence sur la perception du monde qui nous entoure. La Nutritionniste et l’Art-thérapeute s’associent à dire qu’un même plat servi sur un plateau de couleurs différentes peut saturer ou stimuler l’appétit et l’envie d’une personne, il y a bien des couleurs « appétissantes » ou « doudou » et d’autres qui peuvent réprimer ou saturer l’intérêt d’une personne pour la nourriture. Nous nous accordons à dire que les couleurs sont capables d’affecter notre corps physiologique et la psychologie de l’être humain.
Profitons alors de jouer avec nos couleurs afin de stimuler nos émotions positives et entretenir notre santé.
PROPOSITIONS DE MENUS