Par Laurence Nahmani-Charbit, Docteur en Pharmacie, Formation et Consulting, Co-Directrice du magazine Labriout.
Des algorithmes qui s’apprêtent à accompagner voire révolutionner les pratiques médicales pour sauver des vies, un fantasme de l’innovation ?
Le dernier congrès mondial annuel de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) a laissé pointer l’aube d’une étonnante promesse: l’intelligence artificielle (IA) mise au service des malades du cancer serait l’une des armes les plus prometteuses pour les diagnostiquer et surtout les guérir.
L’IA dans le mélanome (Annals of Oncology)
Des chercheurs ont ainsi appris à un algorithme de vision artificielle à distinguer des lésions de la peau et grains de beauté, en lui montrant plus de 100.000 images annotées comme bénignes ou au contraire suspectes.
Les médecins dermatologues ont identifié correctement un mélanome (pour 87% des cas la première fois, 89% la deuxième fois lorsqu’on fournissait plus de renseignement sur le patient- âge, sexe-). Les performances de la machine ont été supérieures avec 95% de mélanome détectés dès la première fois… De là à concevoir une application qui permettra de scanner nos grains de beauté et de se faire des selfies pour détecter un éventuel mélanome, il n’y a qu’un pas !
Comment ça marche (ex : mélanome -cancer de la peau)
Etape 1
On apprend à l’ordinateur via une grande quantité d’images importées, à distinguer ce qui est sain de ce qui est malade. Il va ainsi mémoriser des milliers de références.
Etape 2
L’ordinateur va regrouper les images qui sont stockées dans sa mémoire et les analyser pour les classer et les repérer (fiabilité supérieure à l’humain, de l’ordre de 95%)
Etape 3
Il « établit » un diagnostic au vue d’une photo présentée et propose un traitement adapté (sur la base de références documentaires et articles médicaux qui ont été corrélés aux photos)
Etape 4
La décision finale reviendra au médecin, qui pour des raisons juridiques, éthiques, déontologiques et psychologiques, doit pouvoir « discuter » la proposition de la machine et reste le seul décisionnaire final !
Des traitements plus ciblés
L’IA, en exploitant plus d’informations pourra donner une idée de l’agressivité de la tumeur (certaines tumeurs dites invasives évoluent très vite et d’autres sont plus « calmes »), de son taux de récidive et des chances de répondre ou pas à un traitement. On n’est pas loin d’un traitement personnalisé du cancer.
Au diagnostic et à la stratégie thérapeutique proposée par l’Intelligence artificielle, vient s’ajouter l’étude des gènes (Oncogénétique) permettant d’avoir une véritable carte d’identité du cancer et d’affiner au mieux le schéma thérapeutique.
Des toxicités évitées
Mais l’IA ne s’arrête pas là ; en croisant les données de plusieurs pathologies (ex : Une femme atteinte de cancer et diabétique), elle permettrait d’éviter un effet secondaire ou de prédire une toxicité médicamenteuse. Bientôt, on pourra grâce à elle et de savants calculs prévoir un trouble de la coagulation ou détecter une infection (notamment chez les patients en traitement de chimiothérapie).
L’IA aux côtés des médecins plutôt qu’en remplacement
Certes, une machine sera toujours plus entraînée que l’homme, n’est jamais fatiguée et ne subit aucun aléa émotionnel….alors, doit-on s’en méfier et redouter d’être traité par une machine dans le futur ?
Pas de panique, l’IA est loin pour l’heure de menacer l’humanité et n’est pas prête de remplacer le médecin. Une machine reste une machine, ne possède aucune aptitude à raisonner et ne saura jamais rien faire d’autre que ce pour quoi on l’a formatée.
Gardons l’esprit critique, il n’est évidemment pas question d’imaginer se passer de l’avis du médecin mais plutôt de faire de l’IA un outil supplémentaire de diagnostic et de stratégie thérapeutique.
Rien ne remplace le regard humain tout simplement parce qu’il est …humain.
D’ailleurs, à bien y réfléchir, le terme d’Intelligence n’aurait-il pas été galvaudé et impropre ? Ne devrait-on pas plutôt oser le terme de « Compétence Artificielle » plutôt que d’Intelligence qui suppose discernement et décision et qui pour l’heure est le propre de l’homme et non de la machine…
Et les patients ?
Pas question de remplacer leur rapport étroit avec leur médecin, même s’ils ne sont pas contre un outil qui viendrait compléter le diagnostic ou le geste médical.
En conclusion, et surtout en matière de cancérologie où s’amplifie sans cesse le développement des soins de support, on le sait aujourd’hui, l’humain est au cœur de tous les dispositifs de guérison.
L’Intelligence Artificielle qui éradiquera le cancer, ce n’est pas demain la veille, contentons-nous d’en faire un bon tandem avec le médecin pour prévenir les erreurs, diagnostiquer et soigner.
Il semblerait raisonnable de penser que la machine à émotion, ce n’est pas pour demain…
En matière d’IA, la France déploie également de nombreux projets.
Mammo Diag©, la mammographie automatisée qui détecte avec une précision extrême les masses anormales dans le sein sans erreur et plus rapidement, ce qui évite le nombre de biopsies inutiles et les résultats « faux positifs » éventuels.
CyberKnife© (CyberKnife Robotic Radiosurgery System), le système de radiochirurgie robotisée qui permet d’administrer au cœur des tumeurs cancéreuses ou non (cerveau, poumon, prostate, foie, pancréas) une dose élevée de rayons sous forme de faisceaux avec une grande précision, évitant ainsi les toxicités (brûlures, fatigue, effets secondaires) et potentialisant l’efficacité. « L’appareil détecte la taille de la tumeur, même en mouvement et s’adapte à ses contours, corrige son positionnement à tout moment, donc plus d’efficacité et moins de toxicité » explique le Dr Alain Tolédano, Cancérologue et Radiothérapeute et Président de l’Institut Rafaël.
« Une maison de l’après-cancer »….Pour accompagner le patient en traitement et l’aider à trouver force et confiance pendant et après la maladie. Preuve qu’avant de traiter un malade, on traite avant tout un humain et des émotions.