Nous nous demandons si nous sommes programmés ou façonnés par notre environnement ?
Si la plupart des cancers sont sporadiques, certains (5-10%) s’inscrivent dans un contexte familial et apparaissent à un âge précoce.
L’oncogénétique est une discipline médicale qui a pour objectif principal l’évaluation du risque individuel de cancer à partir d’une histoire familiale. Il s’agit d’identifier les familles avec une forte agrégation de cancers, évocatrices d’un syndrome de prédisposition héréditaire pour en tirer les recommandations sur un parcours personnalisé de suivi spécifique des personnes à haut risque génétique de cancer. Ces consultations concernent principalement les syndromes Sein/Ovaire et Lynch (prédisposition au cancer colorectal et de l’endomètre, entre autres).
Le Dispositif national d’Oncogénétique s’organise actuellement autour de 148 sites de consultations et 26 laboratoires en charge de la réalisation des tests (1).
Enjeux médicaux des tests génétiques constitutionnels
Cette démarche peut aboutir à la proposition d’un test génétique constitutionnel recherchant une mutation sur l’un des gènes de prédisposition majeure connus. Dans le cadre d’une suspicion de prédisposition au cancer du sein, le Groupe Génétique et Cancer d’Unicancer recommande la réalisation d’un panel de 13 gènes « actionnables », d’utilité clinique, à risque très élevé de cancer. Ce test consiste en une simple prise de sang, dont l’ADN extrait des leucocytes est analysé via les nouvelles technologies de séquençage (NGS). La caractérisation d’une mutation, responsable de l’histoire familiale de cancer, permet (i) de proposer un test génétique secondaire dit « ciblé » aux apparentés à risque d’être porteurs et (ii) de recommander des mesures de surveillance spécifiques des organes à risque, en fonction du gène altéré, chez les individus porteurs.
Chez qui initier une analyse en Panel multigènes dans une famille touchée par le cancer ?
Une notion importante en oncogénétique est celle du « cas index » ; personne de la famille chez laquelle la probabilité de retrouver une prédisposition génétique est la plus élevé. C’est la personne ayant développé la maladie le plus jeune ou atteinte de manière multiples. Le screening des gènes chez cet individu permettra de retrouver une mutation familiale, s’il en existe une.
Notons qu’environ 8 familles sur 10 ne sont pas concernées par des mutations sur les gènes analysés. Le risque familial persiste malgré tout. Des mesures de dépistage, voire de prévention, peuvent être préconisées même en l’absence de mutation identifiée, en fonction de la sévérité de l’histoire familiale.
Se pose donc plusieurs interrogations, notamment dans le cadre d’agrégations familiales très évocatrice de prédisposition où le lien est forcément génétique. La promotion des nouvelles technologies de séquençage dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025 permettra, à travers des analyses pan-génomiques, la mise en évidence de nouvelles mutations, la caractérisation de nouveaux gènes de prédisposition et la recherche de nouveaux modèles (polygéniques) de prédisposition.
Le théranostic
Le théranostic vise à fournir une information qui permet une plus grande personnalisation du traitement. Ainsi, des tests dits « compagnons » sont associés à une molécule thérapeutique afin d’évaluer si le patient y répondra favorablement. Utilisés en oncologie, les tests sont apparus en 1998 avec les premières molécules ciblant spécifiquement un biomarqueur. L’arrivée de l’Herceptin a révolutionné le pronostic des patientes par un cancer du sein sur exprimant la protéine HER2. Aujourd’hui, l’oncogénétique permet également d’optimiser la prise en charge thérapeutique, notamment dans les cas de cancer ovarien en rechute ou cancer du sein évolutif, par la prescription de thérapies ciblées chez les femmes porteuses de mutations BRCA1 ou BRCA2.. Le champ de l’oncogénétique se décline donc aussi dans un contexte d’urgence (délai de rendu des résultats de l’analyse génétique). Ces considérations doivent intervenir dans le strict respect du cadre éthique, compte tenu de l’enjeu majeur, psycho-social et de santé que représentent la connaissance d’une mutation constitutionnelle et l’éventualité de sa transmission héréditaire.
Cette discipline, en plein essor, apparait comme un maillon important entre médecin biologiste moléculariste en charge de l’interprétation des tests génétiques et médecin clinicien en charge du suivi.