Faut-il manger bio ? Balayons les idées reçues !

Docteur Delphine LICHTE-CHOUKROUN
Faut-il manger bio?
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Écrit par

Clément Draghi – Data scientist, chercheur

Delphine Lichte-Choukroun – Responsable du Pôle Nutrition 

Qui remettra en cause l’affirmation qui dit que Manger Bio est bon pour la santé ?

Aujourd’hui le dogme du « manger bio, manger sain » est tellement puissant qu’il est difficile, voire impossible d’argumenter ou même simplement d’en discuter.

Pourtant le sujet mérite de nombreux éclaircissements pour distinguer le vrai du faux.

Plus de 40% des cancers seraient attribuables à des facteurs de risques évitables.

Si aucun aliment à lui seul ne protège ni ne soigne du cancer, certains facteurs nutritionnels sont associés à une majoration ou diminution du risque.

Qu’en est-il du Bio sur notre santé ?

Commençons par définir ce que veut dire « bio ».

L’agriculture biologique constitue un mode de production qui trouve son originalité́ dans le recours à des pratiques culturales et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels. Ainsi, elle exclut l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM et limite l’emploi d’intrants (8 sept. 2017, Alimagri (site du ministère de l’agriculture et de l’alimentation)).

Si nous analysons cette définition, nous constatons qu’il est écrit « elle exclut l’usage des produits chimiques de synthèse ». Cela n’exclut pas totalement les pesticides, mais uniquement les pesticides de synthèse. Les pesticides d’origine naturelle restant autorisés.

Le Bio est avant tout un label environnemental et non un label santé.

Analysons le cahier des charges du bio :

  • Interdiction des pesticides de synthèse (ce qui ne veut pas dire que les pesticides sont interdits)
  • Pas de semences OGM (max 0,9%)
  • Protection des cultures par des auxiliaires naturels
  • Limitation des antibiotiques (mais pas d’interdiction !)
  • Alimentation bio des animaux
  • Accès au plein air et au pâturage pour les animaux

Ce que le cahier des charges ne mentionne pas :

  • Pas de cahier des charges nutritionnels
  • Pas de cahier des charges éthiques
  • Notion de proximité et de saisonnalité (pas de notion d’empreinte carbone)
  • Présence d’additifs : une liste de 50 additifs alimentaires sont autorisés dans le bio

(Dioxyde de soufre, Anhydride sulfureux Métabisulfite de sodium, Pyrosulfite de sodium, Métabisulfite de potassium, Pyrosulfite de potassium, Talc …)

  • E220, E223, E224, E250, E252, E464, E553

Ces additifs autorisés peuvent participer aux « effets cocktails » délétères ou présenter des risques de sensibilité individuelle.

Prenons l’exemple de la bouillie bordelaise (sulfate de cuivre). Ce fongicide est utilisé dans l’agriculture biologique de la vigne ou la pomme de terre. Le cuivre qu’il contient peut diminuer nos défenses antioxydantes.

En conclusion, les produits naturels ne sont pas toujours moins toxiques que les produits de synthèse.

Logo agriculture biologique, eurofeuilleLa présence du logo eurofeuille, certifie que le producteur n’a pas utilisé de pesticides ou d’engrais chimiques ou qu’il a respecté une alimentation bio pour les animaux avec un recours limité aux antibiotiques et un respect du bien-être animal. Ce qui ne garantit pas que le produit est meilleur pour l’environnement ou la santé. (INC, institut national de la consommation)

Les produits bio ne présentent pas toujours une meilleure composition nutritionnelle.

Bouteille du lait bioLe lait bio est moins riche en iode de 44% que le lait de l’agriculture conventionnel. L’iode est impliqué notamment dans la synthèse des hormones thyroïdiennes ainsi que dans de grandes fonctions de régulation de l’organisme. L’iode est présent dans bons nombres d’autres aliments tels que les crustacés, les poissons, les œufs…

 

Saumon bioEncore un contre-exemple : le saumon bio est plus contaminé que le saumon non bio. En étudiant le sujet, il apparaît que le saumon bio est nourri au moyen de farines de poissons contaminés. Le saumon non bio est nourri en partie de farines et de protéines végétales qui ne présentent pas de contamination.

Allons plus loin, le saumon est source de métaux lourds, le Mercure, et aussi source de Sélénium, micronutriment détoxifiant. Bonne Nouvelle ! 100g de saumon apporte la moitié de nos besoins en Sélénium par jour et des oméga 3.:

Les liens entre BIO et Cancer Décryptage des études

Les études dont se sert la presse pour valoriser le BIO méritent que nous prenions le temps de l’analyse.  Et surtout sur le lien éventuel entre bio et cancer.

L’une des premières études prospectives sur le bio est une étude britannique « The Million Women Study» publiée en 2014. L’exposition aux aliments bio avait été estimée à partir d’un questionnaire chez plus de 600000 femmes adultes sur une durée de 9,3 ans, l’étude anglaise a ainsi montré une réduction de 21 % des lymphomes non hodgkiniens chez les consommateurs d’aliments bio ; et 9% de réductions de cancers du sein, mais aucune association statistique avec d’autres cancers n’a pu être faite.

Organic food consumption and the incidence of cancer in a large prospective study of women in the United Kingdom JAMA Intern Med. 2018;178(12):1597-1606. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4357

L’autre étude sur le bio est une grande étude française NutriNet qui a interrogé 70 000 personnes (78 % de femme âgé en moyenne de 44 ans) sur 4 ans et démi (écart type 2 ans). Cette recherche étudie le lien cancer et habitudes alimentaires.

NutriNet est une étude observationnelle et pas une étude interventionnelle donc on ne doit pas conclure à une causalité. Il est important de préciser que l’INRA alerte sur les nombreux biais de cette étude, car la population interrogée n’est pas représentative de la population générale,

L’étude française conclut a une association entre la consommation d’aliment bio et le risque de cancer du sein chez la femme post ménopause et le lymphome non hodgkinien.

Comment expliquer cette corrélation ?

Les personnes consommant bio font en grande majorité plus attention à elles : plus de sport, une alimentation plus équilibrée, être moins en surpoids que les autres.

L’étude Nutrinet souligne que les personnes qui mangeaient bio, pourraient mieux en termes de qualité nutritionnelle (score mPNNS-GS) et pourraient consommer plus de produits d’origine végétale.

Les chercheurs ont essayé de diminuer certaines caractéristiques, mais pas toutes.
De plus aucune preuve, aucun lien n’a pu être mis en évidence entre le taux de pesticide sanguin/urinaire et le risque de développer un cancer !!

Source: Baudry et al. Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Intern Med. Published online October 22, 2018. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4357

Des chercheurs d’Harvard (Jamanetwork) évoquent en lien entre une consommation importante de produits bio et une diminution du risque concernant le cancer du sein post-ménopause et le lymphome non hodgkinien. La petite cohorte de personnes intégrées dans cette étude ne permet pas de conclure. Ainsi les données sont à envisager avec précaution.

Selon l’INRA, manger bio permet réduit le risque de syndrome métabolique et de diabète. En précisant que ce n’est pas le fait de manger bio qui protège, mais le fait de s’intéresser à la qualité de la composition de son assiette.

En conclusion : On n’en sait rien. Et c’est là, la véritable conclusion des études. La leçon est qu’il ne faut pas confondre Cause et corrélation, car deux évènements peuvent survenir simultanément alors qu’ils n’ont pas de lien ensemble.

Ainsi, à l’aune des connaissances actuelles, si le bio devait avoir un impact, il ne saurait être que mineur sur la survenue des cancers.

Niveau de preuve élevé entre alimentation saine et cancer

Cinq facteurs ont prouvé scientifiquement une corrélation entre l’alimentation et la prévention du cancer :

  • Consommation de fibres
  • Consommation de fruits et légumes
  • Consommation de produits laitiers
  • Activité physique
  • Éviter les facteurs de risque que sont tabac, alcool, alimentation déséquilibrée et surpoids (INRAE-02/10/20)
  • Alcool : 2nd facteur de risque après le tabac:
  • Surpoids (sein et colorectal)
  • Viandes rouges et charcuteries

(Fiche repère Institut National du cancer – déc. 2019)-(Réseau NACRE-les facteurs nutritionnels en lien avec le cancer).

Le coût de bio

Le prix des produits bio serait en moyenne 75 % plus élevé que celui de produits issus d’une agriculture conventionnelle. C’est ce que révèle une étude réalisée par linéaires, le magazine mensuel de la distribution alimentaire, sur les 218 catégories de produits qui dépassent un million d’euros de chiffres d’affaires, rapporte BFM TV. Selon les résultats de l’étude, au moins une famille sur cinq de produits bio affiche un prix moyen au moins deux fois supérieur aux autres produits.

Le projet Diet4Trans a analysé les rythmes saisonniers des consommations alimentaires et les différences entre les groupes sociaux dans leurs habitudes de conso. Une association claire avec le statut socioéconomique apparaît. Donc manger bio n’est pas à la portée de toutes les bourses.

Réduire le risque, réduire les coûts et faire les bons choix

  • Acheter de saison
  • Varier son alimentation permet de réduire l’accumulation de toxiques
  • Préférez certains produits bio. Les produits à privilégier en bio sont les végétaux consommés crus : tous les fruits et légumes consommés sans épluchage et sans cuisson(fraise, raisin, abricot, baies, cerise, salade, tomate, poivron, céleri, concombre, herbes aromatiques…). Mais aussi le riz et le blé complets et pomme de terre
  • Si on ne peut/ veut consommer des produits bio, il est possible d’éliminer un maximum de pesticides :
    • Nettoyage: éliminer les parties abîmées de l’aliment.
  • Lavage à l’eau courante + vinaigre de vin blanc ou de cidre. C’est un lavage pour enlever la terre, les bactéries et les petites bêtes, mais qui n’a pas d’impact sur les pesticides.
  • Laver les fruits et légumes avec saupoudrage de bicarbonate de soude ou trempage pendant 15 minutes dans de l’eau additionnée bicarbonate de soude.
  • Brossage : est l’intermédiaire entre lavage et épluchage.

Les recommandations mondiales actuelles continuent à mettre l’accent sur les facteurs de risque modifiables qui sont appuyés par des preuves solides et encouragent des habitudes alimentaires saines : notamment une conso accrue de fruits et légumes conventionnels ou bio.

Ne nous trompons pas de combat et ne diluons pas le message. Plus encore que de manger bio, les démarches pour préserver l’environnement et sa santé sont :

  • Augmenter sa conso de Fruits et légumes
  • Privilégier les produits locaux et de saison
  • Limiter sa consommation de viande rouge et charcuterie
  • Limiter conso d’aliments ultra-transformés

Nous pouvons conclure que dans le monde de l’alimentation, du Bio et de la Santé tout n’est pas tout blanc, tout noir. Rien n’est totalement bon et rien n’est totalement mauvais (à condition que ce soit de temps en temps) pour notre santé. Ce qui est primordial, c’est la mesure en toute chose et la possibilité d’adopter des meilleures habitudes de vie tout en se faisant plaisir et en préservant son pouvoir d’achat.

En espérant que cet article vous aidera à faire les bons choix sans culpabilité de ne pas bien faire.

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