Rôle de l’ergothérapeute dans le suivi des malades en réanimation et lors du retour à domicile en période d’épidémie Covid-19.
Le 14 mars 2019, l’ordre et l’association nationale des ergothérapeutes de France a précisé via un courrier électronique aux ergothérapeutes en exercice que la demande d’interventions en renfort au sein des hôpitaux et cliniques d’île de France était croissante.
En effet, les médecins chefs de service et neurologues de plusieurs hôpitaux d’île de France ont émis la volonté, de manière très précoce, de renforcer leurs équipes et leurs plateaux techniques.
Je vous propose de découvrir pourquoi via une journée type d’un ergothérapeute clinicien en cette période d’épidémie bouleversant nos modes de pratique.
1. Le matin: les interventions en milieux hospitaliers
Testé fréquemment par prélèvement nasopharyngé, équipé de surblouses, de masques et de gants, le passage en chambre à l’hôpital ou à la clinique est surveillé et l’accès y est strictement contrôlé.
Mon rôle est ici d’étudier la position optimale du malade au lit afin d’optimiser au mieux les débits ventilatoires et de réduire les risques d’escarres.
Pour les patients en réanimation, le positionnement du malade en décubitus ventral est important notamment afin de soulager les poumons de l’impact gravitaire. Des coussins ergonomiques doivent donc être adaptés.
La mobilisation des patients sujets à des symptômes neuro-moteurs est importante afin d’éviter les risques d’hypertonie. Je dois donc parfois confectionner sur place des orthèses sur mesure afin de corriger des troubles musculo-squelettique ou des déformations articulaires d’origine neurologique.
Des réunions de concertation pluriprofessionnelle sont organisées à l’hôpital afin de discuter en équipe des suites les plus adaptées pour chaque patient (retour à domicile et dans quelles conditions, rééducation intensive….).
La création d’unités spécialisées en réhabilitation après réanimation au sein des centres hospitaliers est à l’étude1.
2. L’après midi: la téléconsultation
L’institut Rafaël a été créé afin de placer le patient au centre de la prise en charge. La maladie ne représente plus le seul axe de suivi, la qualité de vie du patient est largement abordée grâce à la collaboration entres les soignants de l’institut.
Ne pouvant plus effectuer de séances de rééducation à l’institut en équipe pluridisciplinaire, le contact avec ces patients fragilisés par le cancer a dû être sauvegardé.
L’accès aux téléconsultations a été grandement facilité par certaines plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligne.
Pour les ergothérapeutes, les téléconsultations visent à maintenir une régularité satisfaisante concernant des suivis parfois complexes comme une rééducation post-AVC, des patients isolés souffrant de dépendance dans la réalisation des activités journalières notamment à cause d’un cancer.
L’auto-rééducation prend alors tout son sens, le patient guidés par le thérapeute peut apprendre à prendre soin de lui et à renforcer certaines aptitudes diminuées par la maladie.
Quelques exemples de ce qui peut être abordés :
- techniques d’économie articulaire pour garder un bon niveau d’indépendance à domicile.
- Auto-étirement pour les pathologies orthopédiques et neurologiques
- Prévention et gestion des dyspnées (essoufflement)
- Techniques de renforcement pour les patients ayant subi une fonte musculaire lors du passage en réanimation.
- Préconisation et prescription d’aides techniques (envoyées par mail) concernant l’adaptation du logement (lit médicalisé, déambulateur, dispositif anti chute…).
3. Fin de journée et soirée : les visites à domicile
Une proportion importante des patients sortant de réanimation subissent une fonte musculaire importante compte tenu de l’alitement prolongé.
Cet affaiblissement touche les muscles respirateurs, de la déglutition, de la parole, ceux permettant la marche, le maintien d’une posture adaptée…
Si cet affaiblissement est trop important, une rééducation régulière est nécessaire afin de permettre aux patients de retrouver un bon niveau d’autonomie « Kinésithérapeutes et ergothérapeutes sont donc mobilisés au chevet des patients en réanimation, soins continus et à domicile »2
Le H.A.D (hospitalisation à domicile) représente une suite intéressante à la réanimation car elle permet une action coordonnée des professionnels de la rééducation au domicile du patient.
La majorité des séances effectuées en H.A.D concerne des patients intensément dépendant pour les activités de la vie journalières et pour lesquels l’auto-rééducation en téléconsultation est impossible (affaiblissement majeur des suites du covid-19, sclérose en plaque en stade avancée, maladie de Charcot (SLA), cancers en stade avancé, patients lourdement accidentés de la route en post-opératoire…etc).
La formation des personnels soignants est aussi réalisée à domicile (utilisation des aides techniques, manutention des personnes).
Conclusion sur le rôle de l’ergothérapeute
Cette épidémie nous a forcé à repenser nos méthodes de travail mais aussi à nous recentrer encore davantage autour du malade, de comprendre l’autre, autant le soignant que le soigné. Une collaboration encore plus étroite est donc créée.
Nos forces sont mises en exergue en tant qu’aidant et si nos faiblesses (fatigue, manque de courage face à la maladie, manque d’empathie…etc) elles aussi, ont pu être découvertes, une leçon devrait être tirée pour les surmonter dans un avenir proche et ainsi promouvoir davantage les soins holistiques et le travail en équipe qui étaient déjà des valeurs mises en avant à l’institut Rafaël.
Philippe Barthelat
Ergothérapeute à l’Institut Rafaël et diplômé d’état
Sources :
1 Timothy S. Walsh et al.; Increased Hospital-Based Physical Rehabilitation and Information Provision After Intensive Care Unit Discharge. The RECOVER Randomized Clinical Trial; JAMA Intern Med. 2015;175(6):901-910.
2 Récit du professeur Coudeyre CHU Clermont Ferrand lors d’une interview du 08/04/2020 «rôle du service de rééducation après réanimation ».