Joaquín Sorolla y Bastida introduit dans la peinture espagnole du 20e siècle, en s’appuyant sur les travaux des Impressionnistes français, une peinture claire et moderne. Après une formation à l’Académie des Beaux-Arts de Valence, sa ville natale, de 1878 à 1881, Sorolla se rend à Madrid pour découvrir la grande peinture espagnole au musée du Prado, à Rome et enfin à Paris en 1885 et en 1894 où son art est très apprécié.
Pour les vacances d’été 1906, il s’installe avec sa famille à Biarritz et en profite pour peindre de nombreuse scènes de bord de mer, des enfants jouant sur la plage, des pêcheurs au travail ou, comme ici, une femme dont on ne sait s’il s’agit de son épouse Clotilde ou de sa fille María.
La figure féminine tient un appareil photographique, le Kodak de poche N°0, commercialisé en 1902, dont, à l’occasion, se servait également l’artiste. Pour apprécier la composition et la différence entre la réalité et la picturalité c’est-à-dire la transformation du sujet par l’artiste, je vous propose de regarder la photographie de Sorolla peignant le tableau ci-dessus. Nous pouvons constater que l’angle de vue de Sorolla sur le sujet depuis l’endroit où il a planté son chevalet sur la plage ne correspond pas à notre angle de vue. Entre la réalité et l’œuvre, le phénomène de réinterprétation du motif a été mis en œuvre.
D’une scène peut-être banale, excepté l’appareil Kodak, un luxe à l’époque, Sorolla tire une composition audacieuse basée sur la diagonale du premier plan, calée par les deux figures en blanc et rouge dans le lointain, qui vient à la rencontre de la diagonale créée par la mer. Il nous donne aussi l’impression d’être en surplomb par rapport à la mer alors que la photographie montre bien que, dans la réalité, il n’en est rien. Sorolla n’est pas seulement un maître de la composition, c’est aussi un maître de la lumière, une lumière presque blanche, éblouissante. Que les taches de blanc, de rouge de terre mettent en valeur. Un moment de bonheur tranquille choisi pour vous !
Joaquin Sorolla y Bastida (1863-1923)
Instantané (Prise de vue, Biarritz)
1906
62 x 93, 5
Madrid, Museo Sorolla
Dominique Dupuis-Labbé