Parentalité et Cancer, parlons-en

Corinne MOUTOUT
Parentalité et cancer parlons-en
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Depuis le début de l’année 2021, l’Institut Rafaël propose un « Atelier Guidance Parentalité ». Il s’agit d’un rendez-vous bimestriel dédié aux parents s’interrogeant quant au retentissement de leur maladie sur le développement de leurs enfants.

Un reportage de Corinne MOUTOUT

Attentives, bloc-notes en main, les patientes sont curieuses d’entendre la réponse à la question que l’une d’entre elles a osé confier : « Parfois, j’ai peur de ce qui va m’arriver avec mon cancer, j’ai envie de pleurer… est-ce que je peux montrer cela à mon enfant ? ».  Les femmes réunies en ce bel après-midi du mois de septembre au 4ème étage de l’Institut Rafaël ont toutes en commun de souffrir d’un cancer agressif, d’avoir un parcours de soins à l’IR et d’être des mamans. Certes, leurs enfants n’ont pas tous le même âge, mais pour les patientes aujourd’hui présentes, les enjeux sont communs : que dire, quoi dire et quand alors qu’elles ont tant à cœur de préserver leur entourage des répercussions de leur maladie. C’est pour répondre à ces questionnements délicats et souvent angoissants qu’Audrey ALLAIN, Onco-psychologue, Nathalie FELDMAN, Art Thérapeute et Géraldine TOLEDANO, médiatrice, ont mis sur pied depuis janvier 2021 un « Atelier Guidance Parentalité » destiné environ tous les deux mois à tous les parents suivis à l’Institut Rafaël, ainsi qu’à leurs conjoints.

Parler ‘vrai’ avec ses enfants en toute bienveillance

« Bien sûr que vous pouvez exprimer vos émotions devant vos enfants. C’est ce qui va leur permettre de reconnaître les leurs et de les exprimer », explique Audrey. « Dire la peur est un bon point de départ parce que celle-ci n’est pas stérile. Si vous venez à Rafaël, c’est pour remettre du mouvement, de l’espoir là où le cancer a mis un coup d’arrêt. Et vous pouvez le dire à votre enfant :  oui, j’ai peur, mais je fais tous les traitements comme il faut. Je me suis entourée des meilleurs spécialistes de ma maladie et en plus à l’Institut Rafaël, on m’aide à mettre en place plein d’autres soins, du sport, des massages, des conseils en alimentation, pour m’en sortir. Alors, toi et moi, on ne va pas s’inquiéter… ». Ne pas dire la maladie, ou bien une fois celle-ci annoncée, ne plus l’évoquer serait, en fait, le pire poison menaçant la santé psychologique des enfants. Evoquant un souvenir de séance d’art thérapie, Nathalie renchérit : « Il s’agissait de deux enfants de moins de dix ans qui emplissaient les grandes feuilles blanches que je leur offrais d’énormes tâches de couleur, le tout formant un flou artistique absolu. Mais dès que leur mère leur a parlé de son cancer, ils ont mis des contours à leurs dessins… ». Les patientes approuvent ces paroles déculpabilisantes.

Des parents protecteurs

C’est à force de recevoir en consultation de parcours de soins des mamans qui cachaient la réalité de leur maladie qu’Emilie Butaye, coordinatrice et directrice des projets innovants à l’Institut Rafaël, ressent en ce début d’année 2021 une urgence à créer l’« Atelier Guidance Parentalité ». « Une fois, j’ai reçu une maman qui, chaque mois, au moment de recevoir sa chimio préférait quitter le domicile et dire qu’elle était en déplacement », explique Emilie. « Cette patiente s’en voulait de mentir à ses enfants, mais c’est tout ce qu’elle avait trouvé pour les protéger ». Dans ses consultations d’onco-psychologie, Audrey Alain constate le même désarroi. « Le cancer est un pavé dans la mare », explique-t-elle. « Il touche le parent dans toutes ses composantes, avant que les ondes ne s’étendent en cercles concentriques, avec le tout premier d’entre eux : la famille ». Au silence ravageur pour l’enfant par ce qu’il induit de doutes, de fantasmes et de perte de confiance en l’adulte, Audrey oppose la parole « juste » qui libère. Et de citer une phrase de Françoise DOLTO qu’elle affectionne : « L’enfant a toujours l’intuition de son histoire. Si la vérité lui est dite, celle-ci le construit. Même le nourrisson », ajoute la psychologue, qui reçoit depuis deux ans de pratique à l’institut « des mères de plus en plus jeunes avec des enfants en bas âge qu’elles veulent à tout prix épargner ». Tout comme pour Emilie, un « Atelier de Guidance Parentalité » apparaissait comme le meilleur moyen d’offrir à ces mères démunies une boîte à outils pour le « juste dire ».

Adapter son discours à la situation et à l’enfant

Le « juste dire » consiste selon Audrey ALLAIN à trouver une parole adaptée à l’âge de l’enfant, à base d’infos succinctes et réelles, sans métaphores. C’est aussi rassurer l’enfant sur le fait que les autres membres de la famille, lui compris, sont en bonne santé car le cancer n’est pas contagieux. C’est encore éviter sa culpabilisation. Devant les patientes de l’atelier, l’onco-psychologue précise : « Les enfants ont un fonctionnement de pensée magique. Peut-être à un moment, l’enfant grondé a pensé : je veux que maman meure. Et voilà que quelques mois après, maman a un cancer. Dans la tête de l’enfant qui a besoin d’avoir une réponse à la maladie de sa mère, le responsable, c’est lui ».  Face à la culpabilité ou l’impuissance insupportable pour lui, l’enfant peut aussi se prêter à une inversion des rôles. Si ce n’est dans les actes, dans ses pensées, il prend en charge la maladie de l’adulte aimé. Il se « parentalise ». Pour les aider sur la voie du « juste dire » et afin de repérer les éventuels signes de souffrance chez leurs enfants, Audrey ALLAIN propose aux mères de les recevoir sur plusieurs séances à l’issue de l’atelier. Et pour les enfants en question, l’IR, qui a toujours eu le souci de l’ensemble des accompagnants, propose aussi un espace dédié, celui de l’art thérapie.

Atelier guidance parentalité de l'institut rafael

L’atelier ‘Guidance Parentalité’

Lorsque le projet d’« Atelier Guidance Parentalité » s’est monté, Nathalie FELDMAN, art thérapeute avec une grande pratique auprès des enfants et des accompagnants de personnes atteintes de cancer, l’a naturellement rejoint. « Car, dit-elle, il fallait offrir aux enfants un lieu et un temps où ils retrouvent leur autonomie et expriment le chaos qui les traverse ».  Pour laisser libre cours à leurs émotions confuses, Nathalie offre dans ses ateliers pléthore d’instruments : crayons, encre de chine, peinture, collage, etc. Quant aux émotions les plus souvent couchées sur le papier, « il s’agit de la colère, de l’impuissance, de la peur mais souvent quelques séances suffisent à libérer l’enfant de ce qui l’habite et à l’apaiser », précise-t-elle. Muriel en a fait l’expérience avec deux de ses jeunes enfants parmi sa fratrie de cinq. A la suite d’un précédent atelier « Guidance Parentalité », elle se décide à envoyer son garçon de 7 ans et sa fille de 11 ans à des séances avec Nathalie.

Elle raconte : « J’ai annoncé mon cancer à mes enfants lorsque je n’avais plus le choix parce qu’une infirmière venait le soir me poser une poche d’hydratation pour la nuit. Leur absence de réaction, le fait qu’ils ne cherchent pas à en parler, ni entre eux, ni avec nous les adultes, m’a alerté. J’ai pensé que l’art thérapie serait beaucoup plus ludique pour mes deux benjamins qu’une psychothérapie. De fait, ça leur a beaucoup plus. Dès le premier atelier, ils étaient contents de leurs dessins qu’ils m’ont montrés et ont demandé à revenir. Pour ma part, j’étais heureuse de leur montrer que l’Institut Rafaël, l’endroit où je me fais soigner, n’était pas plein de gens tristes, mais au contraire animé par des personnes joyeuses et bienveillantes qui nous permettent, à nous patients, de faire plein de choses. Au bout de quelques séances, Nathalie m’a rassurée, rien d’inquiétant ne transparaissait dans les réalisations de mes enfants ».

Adolescente face à un parent malade

Outre les enfants en bas âge, il fallait encore offrir un espace aux adolescents, souvent déjà en crise avant même l’irruption de la maladie de leur parent. C’est ce que propose Géraldine TOLEDANO, avocate de formation et médiatrice familiale bénévole à l’IR, avec un espace où parents et ados tentent de retrouver le chemin de la communication, grâce à une tierce personne neutre. « Les adolescents ont tendance à se replier sur eux-mêmes et en refoulant ce qui les travaille, on aboutit souvent au conflit, la manière la plus commune pour eux d’exprimer leur refus du réel. J’aide à rétablir le dialogue », explique Géraldine. Véronique, patiente atteinte d’un cancer de l’estomac a fait récemment l’inhabituelle expérience de cette situation conflictuelle avec sa fille de 17 ans et son fils de 14 ans. « Dans notre maison de vacances, chaque été, nous recevons plein d’amis. Mais cette fois-ci, nous avons pensé qu’il serait bon de rester entre nous », raconte-t-elle. « Et alors que nous sommes une famille très soudée, et peut-être parce qu’il y avait trop d’attentes à se retrouver ensemble après un an de cancer, ce fut beaucoup de tension. Auparavant, après l’annonce de mon cancer, ma fille avait eu plusieurs épisodes de colère et, alors qu’elle est une très bonne élève, elle était en décrochage scolaire. Grâce à l’atelier et aux séances avec Audrey, ça va mieux. J’ai pu parler aux professeurs qui ont montré leur soutien à ma fille, qui, petit à petit, a remonté la pente ». Véronique espère maintenant pouvoir convaincre l’un et l’autre de ses ados de l’accompagner à une séance de médiation, « la démarche volontaire du jeune étant un préalable indispensable à toute médiation réussie », précise Géraldine.

L’Atelier Guidance Parentalité du mois de septembre s’achève. Audrey tient encore à préciser que l’Institut Rafaël met à disposition toute une série d’ouvrages en consultation à destination des enfants de 4 à 12 ans sur la gestion de leurs émotions et le cancer. Parmi les participantes, Dominique semble la plus soulagée à l’issue de cet atelier : elle a enfin une solution pour ses jumelles de 16 ans. « Leur père est mort d’un cancer, il y a 5 ans. Vous pouvez imaginer l’effet sur elles quand je leur ai annoncé mon propre cancer. Depuis, on vit en vase clos. Une triangulation telle que la propose Géraldine dans son espace de médiation, c’est ce qu’il nous faut. J’espère convaincre au moins une de mes jumelles, la plus verrouillée… », soupire-t-elle.

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