Apprendre et enseigner : un devoir à accomplir

Docteur Alain TOLEDANO
Apprendre et enseigner, un devoir à accomplir
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Docteur Alain Toledano, Cancérologue, Directeur médical du centre de cancérologie Hartmann, Président de l’Institut Rafael.

Comment l’acquisition de connaissances et la transmission de savoirs sont intégrées pleinement à nos métiers de soignants, en perpétuelle évolution ?

Pour essaimer les valeurs de la santé intégrative globale promues par l’Institut Rafael, et améliorer la pratique et la formation continue des soignants, nous avons ouvert un centre de formation intégré SFO. Nous y dispensons également des formations pour les « Patients partenaires » depuis 2019.

 

Enseigner et Apprendre

Enseigner c’est faire apprendre une science, un art, une discipline, à quelqu’un ou à un groupe. On enseigne en donnant des cours ou des leçons, en montrant. Enseigner quelque chose équivaut à communiquer et à transmettre une connaissance ou un savoir.

Apprendre c’est acquérir par l’étude, par la pratique, par l’expérience, une connaissance ou un savoir-faire. On apprend quelque chose qu’on ignorait.

Créer le meilleur environnement pour l’apprenant est la base de la pédagogie, celle la même nécessaire à éveiller le désir d’apprendre.

 

Apprendre comme enseigner

Jean Jaurès disait : «  On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir ; on enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est ».

Le fait d’apprendre traduit le passage d’un état d’ignorance, à un état de connaissance. Il nécessite la présence de deux sujets : l’un qui transmet le savoir, l’autre qui le reçoit.

L’enseignant ou l’homme de l’art est idéalement doté d’un savoir et d’une compétence pédagogique, et souvent d’une expérience.

L’enseignement repose sur un double mouvement ; un mouvement d’explication, par lequel le maître donne à son élève un savoir qu’il n’avait pas ; et un mouvement de compréhension, par lequel celui-ci reçoit ce qui lui manquait. Le savoir du maître demeure en puissance quand il ne le transmet pas, s’actualise et se renforce quand il l’enseigne.

Il faut à l’élève travailler pour apprendre, mais le maître pour enseigner doit fournir plus d’efforts que son élève. Enseigner implique non seulement d’apprendre, mais encore d’apprendre à faire apprendre. C’est le paradoxe de l’enseignant qui est toujours l’élève de son élève puisque, à travers leur relation, il est toujours celui qui apprend le plus. Enseigner c’est continuer à apprendre ce que l’on enseigne.

L’homme libre a la charge de conduire l’âme de l’élève qui lui est confié, et de le mettre en contact avec la matière étudiée.

Heidegger disait : « « Seul celui qui peut véritablement apprendre, et seulement aussi longtemps qu’il le peut, celui-là seul est capable d’enseigner ».

 

L’art d’enseigner

Pour mieux transmettre des connaissances et des savoirs, l’exercice pédagogique s’apparente à un effort rhétorique de persuasion. Ainsi, comme Aristote le décrivait déjà il y a 2500 ans, l’ethos-le logos- et le pathos sont les trois ingrédients indispensables.

L’ethos, c’est la confiance que l’apprenant accorde à l’enseignant. Le logos, c’est les arguments que l’enseignant soumet aux jugements des étudiants. Le pathos, c’est la disposition émotionnelle dans laquelle l’enseignant met l’étudiant.

On dit « apprendre par cœur » car les anciens étaient persuadés que le siège de la mémoire n’était pas dans le cerveau mais dans le cœur. Ils avaient remarqué qu’on retenait mieux ce qui faisait battre notre cœur et qui créait chez nous des émotions fortes.

Le regard, la voix, le style, tout compte pour enseigner et apprendre de la meilleure des façons. De l’enseignant, ce sont la dévotion, le talent et la passion qui marquent les esprits. « Il vaut mieux enseigner les vertus que condamner les vices » écrivait Spinoza.

« La soif de savoir », autant que « le besoin de connaissance », se nourrissent des improvisations, de la dialectique, du temps de parole, de la pédagogie, et de l’attention.

Parce que le savoir est vivant, la pédagogie, entendue comme capacité de rendre vie à ce qui est mort, est une fiction. En vérité, la seule pédagogie qui soit, est celle du maître qui ne cesse d’apprendre, d’apprendre lui-même ce qu’il croit déjà savoir. Savoir en effet signifie : pouvoir apprendre.

André Gide disait : «  un bon maître a ce souci constant : enseigner à se passer de lui ».

 

Le devoir d’apprendre : engagement moral et spirituel

Devoir, c’est être obligé à quelque chose par la morale, par la loi, par sa condition ou encore la bienséance..

S’il est admis que lorsque l’on enseigne pas un savoir, on l’oublie plus facilement, dans certaines cultures, enseigner et apprendre sont un devoir.

Prenons par exemple le Talmud, dans la culture juive, il y est prescrit un devoir d’enseignement à ses enfants ; « ses élèves » sont d’ailleurs appelés « ses enfants ». Le temps alloué à l’étude, comportant l’enseignement et l’apprentissage, y est également prescrit. Il doit idéalement être divisé en trois : un tiers doit être consacré à l’étude des textes (Torah écrite), un tiers à l’étude des commentaires des textes  (loi orale), et un tiers à la réflexion, c’est-à-dire à tirer des conclusions des prémisses, faire des déductions et des comparaisons entre les concepts, étudier les règles d’herméneutique par lesquelles la Torah est interprétée.  L’objectif étant ici de connaître l’essence de ces règles, et que l’on sache comment déduire le permis et l’interdit, et autres principes de la tradition appelée le Talmud (traduction du mot étude).

Par ailleurs, il est intéressant de relever l’interdit biblique de recevoir un salaire lorsque l’on enseigne un commentaire des textes (loi orale), alors qu’il est permis d’en percevoir un pour l’enseignement des textes eux mêmes. Cela est relaté par Moïse dans la Bible : « de même que j’ai appris la loi orale gratuitement, ainsi, vous avez reçu cet enseignement de moi gratuitement ; quand vous l’enseignerez aux générations futures, vous l’enseignerez gratuitement, comme vous l’avez reçu ». Quand on est contraint de tout de même payer pour son étude, on dit qu’on « achète la vérité », il est prescrit dans les textes bibliques « et ne la revends pas ».

Enfin, dans les textes bibliques, l’homme est enjoint d’enseigner, et ce terme apparaît avant celui d’apprendre, pourtant on apprend avant de transmettre ! L’explication de texte vient sous-entendre que l’étude de la personne doit avoir la transmission comme but ultime. Ceci explique aussi pourquoi l’élément principal est l’enseignement, car l’objectif de l’étude est la capacité d’instruire. Évidemment, l’étude de la Torah n’est pas seulement un moyen pour enseigner ; l’individu en a besoin pour l’aider à améliorer sa relation au monde, ce qui serait impossible sans l’étude. Néanmoins, l’apprentissage seul, sans transmission, indique une grande faille dans l’accomplissement de son devoir.  C’est la raison pour laquelle une personne qui apprend, mais qui n’enseigne pas ne peut atteindre la véritable « perfection » dans la culture juive. Cet objectif de perfection implique un haut niveau de clarté dans l’étude, au point de pouvoir répondre à celui qui questionne, sans faire de faux pas. Il en est déduit qu’une personne peut gagner en clarté dans son analyse, si celle-ci est une préparation à l’enseignement. Celui qui apprend en sachant que d’autres lui demanderont des explications, sera bien plus motivé à travailler avec plus de zèle et d’assiduité ; “j’ai appris beaucoup de mes professeurs, plus encore de mes amis, mais j’ai d’autant plus appris de mes disciples.”  Les élèves forcent le maître à atteindre un plus haut niveau de compréhension.

Le statut de l’enseignant est très élevé dans le Talmud ; il est écrit : « si une personne voit des objets perdus appartenant à son père et à son maître, celui de son maître a la priorité. Pourquoi ? Parce que son père l’a mis au monde, mais son professeur qui lui a incarné la sagesse, le mène au monde spirituel».

Apprendre comme enseigner sont vitales à notre civilisation autant qu’à nous même. L’idéal est d’incarner ce que l’on enseigne, et d’enseigner ce que l’on incarne. Pour un soignant, l’équilibre s’obtient souvent en partageant son temps entre le soin, la recherche, l’enseignement et l’apprentissage. Enseigner des actes prend souvent plus de sens qu’enseigner des paroles. Alors que les hommes apprennent en enseignant, beaucoup considèrent qu’ils n’enseignent pas mais qu’ils racontent. La notion de plaisir d’enseigner et d’apprendre reste aussi centrale que la pédagogie qu’elle sous-tend.

Si les bases scientifiques sont enseignées par le maître à son élève, l’humilité nous fait constater que la technologie est le plus souvent enseignée par l’élève à son maître.

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