Oncofertilité et cancer du sein. Dr Toledano et Pr Grynberg

Institut Rafaël
Préservation fertilité cancer
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Dr Alain Toledano, Cancérologue Radiothérapeute – Institut Hartmann- Institut Rafael
Pr Michael Grynberg, Gynécologue, Spécialiste Oncofertilité- APHP, Paris

Le cancer du sein en chiffres

Les cancers du sein touchent près de 50 000 femmes par an en France, et un million dans le monde ; 10% des cancers du sein touchent des femmes de moins de 40 ans, nous en accueillons de nombreuses à l’Institut Rafael, cela pose des questions spécifiques d’accompagnement personnalisé. Avec le recul de l’âge de la première grossesse, de nombreuses patientes atteintes d’un cancer du sein n’auront donc pas achevé leur projet parental à l’annonce du diagnostic. C’est souvent vécu comme une double peine, considérer cette difficulté supplémentaire est un des enjeux clés de la prise en charge de ces patientes jeunes.

Le pronostic des patientes s’améliorant, la question de la fertilité ultérieure des femmes en âge de procréer est donc devenue fondamentale. En effet, les traitements proposés comme les chimiothérapies ou hormonothérapies sont susceptibles de compromettre le potentiel de fertilité de ces jeunes femmes.

Les causes de l’infertilité féminine après traitement d’un cancer du sein

L’infertilité féminine après traitement d’un cancer du sein peut être la conséquence de 2 phénomènes qui souvent s’additionnent :

  1. la « gonadotoxicité » de la chimiothérapie, qui altère directement le stock des follicules des femmes;
  2. le vieillissement ovarien physiologique, à l’origine d’une perte folliculaire durant les années où une grossesse est médicalement contre-indiquée.

Ainsi, l’oncofertilité doit désormais faire partie intégrante du traitement d’un cancer du sein de la femme jeune, et doit être une offre à part entière des réseaux de soins spécialisés.

Nombre d’avancées techniques sont actuellement disponibles dans la stratégie de préservation de la fertilité en cas de cancer du sein de la femme jeunes.

Notre expert national le Pr Michael Grynberg le dit constamment « Les patientes doivent être adressées le plus tôt possible en consultation de préservation de la fertilité afin d’envisager au sein d’une équipe pluridisciplinaire composée d’oncologues et de médecins de la reproduction, la stratégie la plus adaptée à leur âge, leur réserve ovarienne, et les traitements envisagés. »

Les techniques de préservation de la fertilité

Les pratiques en préservation de la fertilité évoluent vite et permettent toujours plus de flexibilité. La vitrification ovocytaire se démocratise, la stimulation ovarienne accompagnée de médicaments permet de meilleurs taux de cryopréservation ovocytaire et/ou embryonnaire, tout en régulant le taux d’hormones (oestradiol) important dans la gestion des risques de cancer du sein.

Enfin, la maturation in vitro est une option possible en cas de chimiothérapie première et elle peut être associée à un prélèvement de cortex ovarien en vue d’une cryopréservation de tissu ovarien. Les différentes techniques ne doivent pas uniquement être considérées comme un « espoir congelé », mais totalement s’intégrer dans le traitement du cancer du sein chez les femmes jeunes.

Les recommandations actuelles sont claires : toute femme en âge de procréer, devant recevoir un traitement possiblement gonadotoxique, doit être adressée à un spécialiste en oncofertilité, qui pourra l’informer sur l’impact des traitements sur la fonction de reproduction ainsi que sur la techniques de préservation de la fertilité (PF).

Un temps dédié pour aborder cette thématique est donc nécessaire.  Ce temps est la clé de voûte d’une relation humaine de qualité, et de la confiance que tout soignant se doit d’acquérir pour bien prendre en charge ses patientes.

La consultation d’oncofertilité

Dans la mesure du possible, la consultation interviendra suffisamment tôt dans le parcours de soins de la patiente, afin de lui offrir l’ensemble des techniques de PF actuellement disponibles ainsi qu’un délai de réflexion.  La patiente a parfois à faire face à des choix difficiles, voir à une résignation complexe à accepter pour elle. La consultation d’oncofertilité se fait par un personnel entraîné (médecin de la reproduction, sage femmes, infirmières, psychologue, embryologistes), pour une garantie de prise en charge optimale. Classiquement, la consultation comprend tout d’abord un interrogatoire qui notera en particulier l’existence d’un projet parental actuel ou futur. Il s’en suit une évaluation du statut folliculaire ovarien comprenant une échographie pelvienne par voie vaginale en l’absence de virginité, et des dosages hormonaux sanguins. L’échographie cherchera à dénombrer précisément le nombre de follicules, reflet de la réserve ovarienne. Le dosage d’hormone anti-Müllérienne (AMH) apportera des informations similaires et sera particulièrement intéressant lorsque l’échographie par voie vaginale est impossible ou d’interprétation difficile.

La consultation d’oncofertilité abordera le phénomène de vieillissement ovarien physiologique et l’impact des traitements anti-cancéreux sur la fonction ovarienne, les techniques de préservation de la fertilité féminine leurs limites, ainsi que les enjeux relatifs à leur future utilisation. La problématique de la contraception sera également discutée. La patiente, informée, pourra ensuite être reçue par les biologistes du CECOS (centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains) ainsi que par l’anesthésiste en vue d’une éventuelle prise en charge.

Processus de préservation de la fertilité

Toute décision de préservation de la fertilité est prise conjointement avec l’équipe oncologique qui suit la patiente. Un délai de réflexion est systématiquement laissé à la patiente ou au couple afin de pouvoir prendre une décision éclairée et mûrie. La programmation de la pose d’un dispositif intra-utérin ou d’une chambre implantable peut également se faire dans le même temps opératoire pour soulager le parcours souvent minuté des patientes, notamment avec le souci de ne pas retarder la chimiothérapie anticancéreuse. Les protocoles médicamenteux ont des toxicités variables sur la fonction reproductrice ; la chimiothérapie perturbe souvent le cycle menstruel en interrompant souvent les règles (transitoirement ou parfois définitivement).  Certaines études concluent que 40% des patientes de moins de 40 ans retrouvent des cycles réguliers après un épisode d’aménorrhée.   L’hormonothérapie par tamoxifène, bien que responsable d’aménorrhées réversibles, ne semble pas impacter directement sur la réserve ovarienne. En revanche si une durée de 5 ans a montré son efficacité dans l’amélioration de la survie, il est souvent maintenant question d’une prolongation à 7 ou 10 ans de la durée de l’hormonothérapie. Cette mise en différé d’un projet de grossesse expose la femme au vieillissement ovarien physiologique ce qui doit être pris en compte y compris chez les patientes n’ayant pas d’indication de chimiothérapie.

L’étude des marqueurs de la réserve ovarienne est imparfaite. En effet, l’aménorrhée chimio-induite, lorsqu’elle persiste 2 à 5 ans après le traitement anti-cancéreux traduira volontiers une ménopause précoce irréversible. Par ailleurs, le retour des cycles après chimiothérapie reste un marqueur très insuffisant, puisqu’il ne traduit pas les chances de fertilité naturelle ou médicalement assistée.  La stratégie de préservation de la fertilité est un choix, et s’appuie sur :

  • l’âge de la patiente
  • l’évaluation de sa réserve ovarienne
  • l’éventuelle indication d’une chimiothérapie, et l’administration en premier ou dans un deuxième temps
  • l’éventuelle indication d’une hormonothérapie

Plusieurs situations se dégagent :

  • La chirurgie est programmée et sera suivie d’une chimiothérapie : la préservation de la fertilité pourra être réalisée dans l’intervalle entre la chirurgie et la chimiothérapie qui doit être inférieur à 12 semaines (classiquement 4 à 6 semaines).
  • Une chimiothérapie première est indiquée. La préservation de la fertilité doit par conséquent être pratiquée en urgence, avec une tumeur encore en place.
  • Il n’y pas d’indication de chimiothérapie après le traitement chirurgical (cas le plus rare chez la femme jeune), mais une hormonothérapie est programmée ou un traitement chirurgical suivi d’une radiothérapie seule, sans hormonothérapie, est prévu. Dans ces deux cas, une préservation de la fertilité pourra être discutée en raison de la mise en différé du projet de grossesse.

Certaines études positionnent des stratégies hormonales de prévention médicamenteuses. Des progrès en cryopréservation embryonnaire et/ou ovocytaire après stimulation ovarienne ont vu le jour ces dernières années. De nombreux problèmes bioéthiques sont apparus avec ces avancées techniques. Le choix entre embryons et ovocytes ne doit pas se faire sur les chances de réussite mais après une discussion éclairée avec la patiente. Si la patiente est en couple et souhaite préserver des embryons, elle ne pourra les réutiliser qu’avec son partenaire actuel, les conséquences d’une telle décision poussant souvent les patientes à partager la cohorte des ovocytes, une part en cryopréservation embryonnaire, une part en vitrification ovocytaire. Le pré-requis reste alors l’obtention d’une cohorte ovocytaire suffisante.

Les modalités de stimulation ovarienne sont globalement identiques à celles utilisées pour les couples infertiles indemnes de toute pathologie cancéreuse.

La stimulation ovarienne devra être suffisamment forte pour obtenir un maximum d’ovocytes matures, en évitant les complications pouvant retarder l’initiation du traitement anticancéreux.

La PF chez les patientes porteuses d’une mutation génétique BRCA (prédisposant aux cancers du sein et de l’ovaire notamment) constitue un enjeu majeur. Les patientes mutées représenteraient environ 10% de l’ensemble des jeunes femmes atteintes de cancer du sein.  L’annonce de la mutation se fait en général après le processus de PF. Il convient donc d’informer les patientes sur l’éventuel impact d’un tel diagnostic quant à l’utilisation de leurs gamètes, le risque de transmission étant de 50%. Les mutations des gènes BRCA ne rentrent actuellement pas dans les indications du diagnostic pré-implantatoire en France. Reste à déterminer si les patientes le souhaiteraient ou si le don d’ovocyte peut avoir place dans de telles situations.

Pour conclure, la préservation de la fertilité est parfaitement envisageable pour la plupart des patientes présentant un cancer du sein. Il semblerait que des protocoles de stimulation ovarienne spécifiques combinant gonadotrophines exogènes et molécules anti-estrogènes puissent être utilisées chez ces patientes. Toutefois, leur utilisation est parfaitement expérimentale tout comme la cryopréservation de fragments de tissu ovarien. De nombreux enjeux restent à venir sur la réutilisation de ces ovocytes et cortex ovarien cryopréservés impliquant des questionnements éthiques qui ne manqueront pas de faire évoluer notre société. L’espace éthique et cancer de l’Institut de Rafaël planchera sur le sujet prochainement. La relation de confiance médecin-patiente nous impose une transparence et un accompagnement adapté sur ces questions de préservation de la fertilité, impactant le projet de vie…

1. Institut National du Cancer. Plan Cancer. Conséquences des traitements des cancers et préservation de la fertilité. État des connaissances et propositions. 2013.

 

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